mercredi 23 juillet 2008

ANDRIEU TOUCHE LE JACKPOT


Grande finale des World Series of Backgammon. Seize joueurs. Quinze matches. Trois points. Une cadence très rapide. Et un seul homme au sommet ce soir, avec 100 000 euros de plus dans la poche en fin de journée. On est au salon, avec les joueurs, leurs copains, leurs familles parfois, et puis les amoureux du beau jeu qui passent la journée à boire un coup en mangeant une part de gâteau, affalés dans un canapé à s’émouvoir devant la multitude d’écrans qui nous entourent. Ca crie, ça rit, ça pleure, ça commente. Chouette journée.
Pas grand-chose à dire sur l’apéritif 100% british : John Hurst est opposé à Andrew Plater. Le premier, vainqueur à Londres à l’automne, est éliminé. Plater est en quart. Le show commence au deuxième match. L’Autrichien Tassilo Rzymann a gagné au Danemark. Il rencontre Frédéric Andrieu. L’un des deux Français du tableau avec François Tardieu. Tous les deux ont gagné leur billet dans des tableaux de qualification organisés ici, à Cannes. Fred est tendu. L’enjeu, les caméras, la pendule. Dans la partie décisive, il fait juste n’importe quoi. C’est l’hystérie dans le salon. A chacun de ses mouvements, les observateurs sont un peu plus décontenancés. Son adversaire aussi. A la fin du match, on interrogera l’ordinateur qui donnera Rzymann favori à « 103% » ! Perdre ça, ça rend fou. Fred est passé là où personne ne passe. Comme quoi, mal jouer au bon moment… Quant à Tassilo, il enchaîne bière sur bière en éructant. Celle-là, il n’est pas près de s’en remettre. Et elle valait peut-être 100 000 euros…


La boulette d’Olsen

Les Danois entrent alors en piste. Andreas Olsen, champion national, contre Lars Trabolt, tout frais champion du Monde. Olsen fait la course en tête. On arrive tout de même à un double point de match. Acharné. Ca peut tomber d’un côté ou de l’autre. C’est pour Olsen. Il a fermé son board. Traby est sur la barre. Game over. Et puis l’erreur. Bête. Surprenante à ce niveau-là. Le stress de l’enjeu, de la pendule qui tourne ? Olsen a un double trois à jouer. Il joue un peu vite. Il reste impair sur ses point cinq et six. Double six et un pion offert à la frappe de Trabolt qui ne tremble pas pour tirer un cinq. Il ferme à son tour mais laisse, lui aussi, une frappe. Mais lui n’avait pas le choix… Et il n’est pas frappé. Par un trou de souris, c’est lui qui passe. Olsen va s’en vouloir un moment.
Le match suivant n’appelle aucun commentaire. Exécution en règle ! L’Egyptien Rida Hassan n’a laissé aucune chance au Grec d’Allemagne Athanasios Lagopatis. 3-0 et on n’en parle plus.


Carlsson cède à la pression

Duel américain ensuite. Robert Koca, vainqueur hier de la Riviera Cup croise le fer avec une espèce de légende au physique de colosse. Mike Svobodny est un ancien champion du Monde devenu une figure du monde du jeu, le backgammon n’étant qu’un parmi tant d’autres. La légende commence par passer deux cubes. En trois points, c’est pas bien bon tout ça. 2-0 donc pour Koca. Il mène et continue à jouer très agressif. Et Svobo ne voit pas un dé. Koca lui laisse quantité de doubles frappes mais il ne voit rien. L’affaire est à peu près aussi vite pliée que la précédente.

On enchaîne avec un tête-à-tête nordique : Jakob Holdt-Simonsen pour le Danemark, Oscar Carlsson pour la Suède. Et décidément, la pression semble trop forte pour certains. Carlsson va littéralement offrir le match à son adversaire. Une première fois, alors que le cube est envoyé, il peut prendre un avantage décisif mais joue de travers son double cinq pourtant formidable. Il pourrait y avoir quatre points au bout. Plus tard, il ne voit pas un cinq et deux qui frappe et ferme une cinquième porte. Il perdra et ne pourra que s’en prendre à lui-même. A côté de nous, le clan suédois est dépité.


Tardieu à la trappe d’entrée

Pour Aaron Kopper, un joueur hollandais qualifié en ligne, c’est la toute première derrière un board en tournoi officiel. Et comme cadeau de bienvenue, il hérite du numéro un mondial, Matvey “Falafel” Natanzon. L’Israélien va pourtant trembler jusqu’au bout. Kopper est faible, ça se voit et ça s’entend tant les qualificatifs fusent dans le salon. Mais il s’accroche et fait suer sang et eau à Falafel qui s’impose finalement. On attend son duel avec son éternel rival pour le titre de « plus grosse tête pensante du backgammon mondial », François Tardieu. Le leader du backgammon français n’a pas été aussi gâté que son camarade au tirage au sort en héritant du quatrième danois du tableau, le vainqueur de la consolation d’hier, Karsten Bredahl. Avantage Danemark puis un partout. François envoie vite. C’est la dernière partie de ce premier tour. Elle est compliquée. Les deux joueurs sont en backgame et la pendule tourne vite. L’avantage vacille. François le perd finalement définitivement. Le salon est à moitié danois, à moitié français, et les autres sont coupés en deux clans. Ca crie à chaque fois que les dés en donnent l’occasion. Des dés qui choisissent donc Bredahl. Le grand duel n’aura pas lieu. Et les Danois font encore un grand chelem. Ils étaient quatre engagés, deux se rencontraient, ils en ont qualifié trois, rien à ajouter.


Andrieu en demi, à sa manière…

En route pour les quarts de finale. Andrieu-Plater, les deux premiers qualifiés de la journée. Fred prend les devants. Il oublie plusieurs cubes en route. Dans le salon, on se demande d’où viennent ses hésitations. Falafel, notre référence lorsqu’on a un doute, est le plus halluciné. Ca y est. Enfin. Cube, passe, 1-0. Dans la suivante, il est loin devant. Sur les canapés, la délégation française attend le gammon définitif. Mais ça se dégrade un peu, avec une ou deux approximations d’Andrieu au passage. On avance et l’avantage redevient significatif. Le gammon est encore là, à patienter dans un coin. Un gammon à 10 000 euros, le prix du demi-finaliste. Mais Plater sort vite du piège. 2-0 « seulement ». Et la suivante qui part mal. Et Fred qui nous agrémente encore le tout de quelques mouvements qui attirent sur les Français les quolibets de nos amis allemands. Mais Fred qui a une bonne étoile dans le gobelet. Il frappe. Il ferme. Et puis le grand classique : il est shooté de la barre alors qu’il a commencé à sortir ses pions. La bonne étoile brille toujours ? Bien sûr. Il ressort tout de suite. Il accélère. On tremble mais il tire un dernier double. Il est en demi-finale.


Traby sur la lancée de Monaco

Trabolt-Hassan pour suivre. On a failli assister au match le plus court de la journée. Et sans cube… Le Danois domine, enferme son adversaire et commence à sortir. Le gammon est assuré. Arrive le dernier double. Il ne lui reste plus qu’un pion au point deux contre un pion adverse à l’as. La salle se lève et hurle. 3 et 2 de Hassan et c’est fini. Il tire plus gros. 2-0 quand même pour le champion du Monde. Derrière, Hassan prend l’avantage avant de ne plus rien voir. Trabolt le frappe dans une position dangereuse. Et Hasan attaque une impressionnante série de galas qui permettent au Danois de toucher au but. Jusqu’à la traditionnelle frappe en cours de sortie. Quelques échanges de shoots plus tard, Traby conclut. Dans le dernier carré, Andrieu, ancien vainqueur de Monaco dans la catégorie intermédiaire, se voit offrir un vainqueur de la classe supérieure.


Le numéro un est toujours là

Le troisième quart de finale se déroule à sens unique. Robert Koca est en plein rush. C’est sa semaine. 3-0 et peu à dire sur sa victoire contre Jakob Holdt-Simonsen. Dans la course finale, le Danois n’a tiré que des 2-1, 3-1, 3-2 alors qu’il était déjà en retard. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas…

Il nous reste à voir un quart de finale de haut vol entre Falafel et le dernier Danois Karsten Bredahl. Trabolt sera finalement le seul représentant de la grande nation du backgammon parmi les quatre derniers. Un match assez rapide conclu par une partie très positionnelle d’où Falafel s’extirpe le premier. Il gagne logiquement la course qu’il a attaquée en tête. Le numéro un est toujours là. Alors, à cette heure-là, on est partagé. Bien sûr, Andrieu en finale, on ne dirait pas non. Mais une ultime joute entre le champion du Monde et le numéro un des Giants, l’affiche aurait une sacrée allure. Et n’oublions pas dans nos prières Robert Koca qui n’a pas la dégaine du type qui a envie de lâcher maintenant.


Falafel butte encore

La première demi-finale est la plus déséquilibrée. Mais Frédéric Andrieu a une envie qui vaut cher. Lars Trabolt doit arriver assez sûr de lui sur le board mais il connaît le backgammon mieux que personne. Il sait que tout peut arriver. Et vite. Je n’ai d’ailleurs pas grand-chose à vous raconter sur le match. Bien sûr, quelques péripéties. Mais c’est un TGV que Traby a pris en pleine face. Mené 1-0 après un cube inacceptable, il envoie dès qu’il a pris l’avantage. Mais un avantage bien maigre : aucun des deux joueurs n’a construit la moindre porte ! Alors évidemment, Fred se saisit du videau et on poursuit. Jusqu’au bout on tremble, mais Fred ne subit aucun accident. 3-0 et un Français en finale. Pas celui qu’on attendait. Qu’importe, c’est la belle aventure. De toute façon, à l’issue de la finale, ce sera la belle aventure. Robert Koca, vainqueur hier de la septième étape du PGT, a terrassé le numéro un mondial en une seule partie. Falafel envoie un cube très solide. Longue réflexion puis take. A partir de cet instant, Falafel ne tire plus que ses pires. Et Koca trouve une fenêtre de retour de videau à quatre. Hésitation, cette fois-ci, de l’autre côté et même décision : take. L’Israélien ne s’en remettra pas. Mais quand donc franchira-t-il les dernières marches vers un titre majeur ? On aimerait bien le voir tout en-haut et, croyez-le bien, lui aussi.


Frédéric Andrieu plus heureux et plus riche

Robert Koca, dans quelques minutes, réalisera peut-être le séjour parfait : Riviera Cup + Finale des WSOP = 145 000 euros. Quoi qu’il arrive, il en a déjà assuré 85 000. Il peut prendre le chemin du retour tranquille, d’autant qu’avec des euros, de nos jours, on achète pas mal de dollars ! Il en achètera beaucoup, certes, mais moins qu’espéré. Parce que Frédéric Andrieu l’a fait. On a même cru qu’il ferait très vite fait et très bien fait. Il envoie un cube solide dans la première et déroule ensuite gentiment. Il a fermé son board et mis Koca à la barre. S’il attrape le deuxième pion, il y a du gros gammon dans l’air. Mais il laisse le deuxième en route. Koca sauve le gammon. 2-0. Dans la suivante, c’est Fred qui sauve le gammon de justesse. Il aura un free drop. Koca envoie. Il passe. 2 partout. Un point pour la gloire et 100 000 euros. C’est la guerre jusqu’au bout. Fred est favori mais la course peut basculer sur un double. Aucun des deux joueurs ne tirera le moindre joker et l’avance va demeurer jusqu’à la libération. Tout à l’heure, Frédéric Andrieu va s’endormir un peu plus heureux et un peu plus riche qu’au réveil. Quant à moi, je suis vidé. Cette journée marathon m’a mis à plat. Lorsque je vous ai écrit les premières lignes, il faisait plein soleil, il était quinze heures. Il est bientôt quatre heures du matin et un avion m’attend dans quelques heures. Je suis saoulé de backgammon. Le grand air de la montagne va me faire le plus grand bien. Je reviens vous voir en septembre. Bonnes vacances les p’tits z’amis. Vous allez me manquer. Allez, à bientôt…


Franck STEPLER

dimanche 20 juillet 2008

CHAMPAGNE POUR KOCA !

Une fois n’est pas coutume, je ne prends pas le clavier à deux heures du matin pour démarrer cette chronique. Aujourd’hui, tout se passe un peu à l’envers. D’abord parce que, la nuit dernière, virés de la table de poker à 4h30 du matin pour cause de fermeture du casino, nous étions un peu sevrés de jeu (il est vrai que nous n’avions démarré qu’à 14h…). Alors nous avons entamé une petite chouette (formule de backgammon qui se joue à plusieurs camarades en pleine forme nocturne, information que je délivre ici aux non initiés qui croiraient qu’on a taquiné la femelle du hibou toute la nuit à plusieurs dans une chambre). Tranquillement affalés sur un lit d’hôtel, nous avons achevé nos hostilités vers 7h du matin. Autant dire que l’attaque du last chance à 14h était un peu brouillardeuse. On y reviendra. Mais si je vous écris dès le milieu d’après-midi, c’est que la course à la qualification pour les WSOB est palpitante. Chaque match du last chance, avec ses cinq points à la clé, fait varier le classement. Or ils ne seront que cinq à accompagner les vainqueurs des trois étapes dans la grande finale de lundi. De l’Américain Robert Koca et du Danois Gus Hansen, l’un des deux se moquera dans quelques heures du classement. Gus s’est qualifié en début d’après-midi pour la finale et il n’est plus qu’à 13 points d’une qualification directe. Lui, l’ambassadeur de la compétition, qualifié pour la grande finale, il faut avouer que ça aurait une sacrée gueule !


Le voyage Lourdes, La Mecque, Jérusalem

En attendant, la finale de la consolation est lancée. Des quatre Danois du haut de tableau, c’est Karsten Bredahl qui est sorti vainqueur. En bas, Marc Santo-Roman est passé tout près. A un shoot d’Alain Babillon. Et c’est finalement Le Nageur qui passe. Et c’est alors que nous nous retrouvons devant notre écran à suive la finale. De la pure magie noire. Ces gars-là et moi, on ne joue vraiment pas mais alors pas du tout au même jeu. Bienvenue au festival du joker ! A un miracle répond un miracle. C’est le voyage Lourdes, La Mecque, Jérusalem en moins d’une heure. Le seul impératif à ce jeu c’est de réaliser le dernier joker. Et à ce petit jeu, le Danois est trop fort. A 5-4 pour lui (match en 9), après avoir déjà retourné une ou deux parties, il sort encore vainqueur de la confrontation. A tour de rôle, Alain et lui tirent l’intirable pour prendre un avantage à peu près décisif. Et là, c’est vraiment plié. Enfin, à un double quatre près. Evidemment double quatre ! Sinon, je ne vous raconterais pas tout ça. Bref, il va falloir cravacher pour lui arracher la gagne, d’autant qu’Alain n’a plus que trois minutes à la pendule. Ici, on joue à une cadence très rapide. Et Alain, qui n’est pas le joueur le plus lent du circuit, aime quand même avoir son temps. Tant pis, il va falloir accélérer. Vaine accélération. Il n’y aura pas de retour. Bredahl vainqueur.


Les petits ont mangé les gros

Avec son acolyte danois, Karsten enchaîne illico avec la finale du double consultation. S’il était légèrement favori dans la consolation, il l’est là plus encore. Dans un nouveau duel franco-danois, les hommes du grand nord sont opposés à une équipe cosmopolite composée des deux régionaux José Rodriguez et Claude Lambert, qui portent nos couleurs mais composent en même temps une paire hispano-belge. Ce n’est rien de dire qu’ils ne sont pas favoris. Mais le backgammon est ainsi fait que le petit a parfois le droit de manger le gros. Et même plusieurs fois s’il a très faim. Ainsi les nôtres ont-ils balayé 9-1 Uli Koch et Ed O’Laughlin en demi-finale avant de croquer les Danois 9-2. On ne l’aurait pas parié mais un grand coup de chapeau à eux qui croient si fort en leurs chances à chaque fois qu’ils s’asseyent devant un board. José a donc confirmé son beau parcours monégasque. Amélie Viennois aussi, qui remporte la consolation de la division intermédiaire après le last chance débutant de Monaco. On l’attend donc désormais victorieuse du main de la première division lors du prochain tournoi. Et tout cela méritait bien un Ladies Prize !


Une finale à double enjeu

Dans le grand tableau intermédiaire, ce sont deux Arméniens qui se partagent la finale. Ils sont moins nombreux qu’avant à nous rendre visite sur les tournois mais ceux qui viennent sont souvent placés. Coup de chapeau aussi à Dorian, que l’on croise tous les hivers au Festival des Jeux de Cannes et qui s’impose dans la division débutants. Son sens du jeu doit lui permettre de réaliser très vite des résultats à l’étage au-dessus. Avec tout ça, on allait oublier Gus et Robert. Alors que la remise des prix a eu lieu et que le cocktail bat son plein, eux s’affrontent devant les caméras. L’enjeu est d’importance. D’une double importance même : inscrire l’un des plus prestigieux tournois de la saison à son palmarès mais aussi se qualifier pour la grande finale des WSOB. Car on le sait maintenant, seul le vainqueur rejoindra le groupe des seize méritants. Malheur au vaincu qui n’aura pas engrangé assez de points. Il perdra gros et l’opportunité d’empocher encore bien plus gros…


Gus a mal au crâne

Parce qu’il est une star du poker, parce qu’il est danois, parce qu’il est l’ambassadeur des WSOB, tout le monde voyait Gus au Panthéon. Moi-même j’en ai fait mon favori depuis deux ou trois jours. Mais je vous avais parlé de Robert Koca comme d’un des Américains les plus solides. Sa réputation était nouvelle pour moi mais apparemment pas usurpée. Il fait la cours en tête. Largement. Puis Gus recolle. Puis Robert remet un coup d’accélérateur. 11-8. « A deux points du bonheur », diraient certains au bord du court Philippe-Chatrier à Roland-Garros. A ce score, après avoir pris l’avantage, l’Américain réfléchit longuement au cube. S’il est pris, c’est pour être aussitôt renvoyé. Mais il peut aussi gagner le match sur cette action. Gus a mal au crâne. Il se le prend d’ailleurs à deux mains à l’heure de la réflexion. Et cette réflexion dure. Il compte. Il analyse. Devant l’écran, on entend de tout, comme d’habitude : « ce n’est pas un cube », « je passe », « je prends et je renvoie ». Les Allemands ont sorti l’ordinateur : c’est un bon cube et un tout petit passe. Gus Passe. 12-8. Balle de match pour Koca.


Joker, contre-Joker, Koca vainqueur

On croit jusqu’au bout qu’il va se sortir d’une partie caramélisée mais il est finalement menotté : gammon et 12-10. Puis un passe et 12-11. Gus double d’entée bien sûr. C’est la dernière. Gus réfléchit très longtemps à un double deux compliqué, en début de partie. Il fait un choix étonnant. Mais payant. Gala sur deux portes de Koca. Pour autant, la partie est « au milieu ». Elle peine à se choisir un favori. Et il ne leur reste que trois minutes à chacun à la pendule. Ca laisse du temps mais il va falloir jouer à l’instinct, au talent pur. Pourtant, Koca prend son temps, réfléchit longuement avant de jouer un 6-5 compliqué. Il frappe. Il est repris. Et les échanges de frappes se poursuivent. Le favori change quasiment à chaque lancer de dés. Devant l’écran, chacun voit un joueur devant, puis un autre. Le vainqueur sera désigné pour pas grand-chose : un gala de trop, un joker de plus. C’est à cela et à cela seulement, que tient un match comme celui-là. Koca a la pression, bien plus que Hansen. Il a du mal à gérer. Il lui reste 45 secondes. Double cinq de Gus. Voilà un sacré joker ! Encore faut-il bien le jouer. Il hésite un moment. Il choisit. A la course, il est encore en retard. Mais il tire des gros. C’est bon pour sa course. Moins pour son timing. Toujours les mêmes paradoxes du backgammon. Des gros des deux côtés. Et double cinq de Koca à son tour. Les Américains explosent dans la salle. Le contre-joker absolu. Gus a encore une course. Mais il est maintenant très en retard. C’est quasiment fini. Il ne reviendra pas. Robert Koca s’impose dans la Riviera Cup et se qualifie pour la grande finale des WSOB.


J’adore Rassoul !

Quelle semaine ! Et dire que ce n’est pas fini. Mais je veux des vacances moi. Je n’en peux plus de ce foutu backgammon ! Mais non, pas encore l’air pur de la montagne. Il va falloir attendre 24 heures de plus. Cette année, on joue les prolongations le lundi avec cette grande finale des WSOB et quelques petits tournois secondaires encore à disputer. J’aurai donc le plaisir de vous écrire encore demain. Après, on fera la pause jusqu’à Aix-en-Provence, en septembre, dernière chance de ramasser des points pour rejoindre une autre grande finale, celle du PartoucheGammon Tour d’octobre, à Divonne-les-Bains. Ca doit vous faire marrer de lire mes éternels espoirs mais il va bien falloir que je réussisse enfin quelque chose de sérieux à Aix si je veux me qualifier. Je ne sais même pas si je le mérite tant ma saison a été désastreuse. Allez les Dieux, si on s’agitait un peu dans la bonne direction. Vous avez donné le double à Rodriguez et Lambert, vous avez mis 17-4 dans le gobelet de Rassoul Rasti contre Fallafel à Paris. Et mon tour, c’est quand ? Au fait, Rassoul, le Suisse venu d’Iran, finaliste inattendu à Paris, joueur fantasque s’il en est, s’est vu attribuer le prix du fair-play cette semaine pour son éternelle bonne humeur. Il gagne avec le sourire et la candeur d’un gamin. Il perd à peu près de la même façon. Il est là pour se marrer et ça se sent. J’adore ça ! Allez, à demain…

Franck STEPLER

samedi 19 juillet 2008

DES DANOIS ET L’ALLEMAGNE


Un message personnel pour commencer : Meryl est formidable. Qui est Meryl ? Une jolie brune, membre de l’équipe d’organisation du PartoucheGammon Tour. Chaque matin, elle se plaint auprès de moi de ne pas voir figurer son nom dans cette chronique. Ca y est, c’est fait. Contente ? T’as intérêt parce que je referai pas ça tous les jours. Des jolies femmes, il y en a quelques unes dans la salle. Et ce samedi leur était dédié. C’était jour de tournoi des dames. Elles devaient se lever tôt pour démarrer à quatorze heures (autant dire aux aurores pour un joueur ou, en l’occurrence, une joueuse de backgammon). Elles étaient pourtant vingt à se présenter. Cécile Wolf a porté haut les couleurs françaises. Jusqu’en finale. Elle n’a été stoppée là que par une incontournable : une Danoise. Elle s’appelle Pernille et est la compagne d’un joueur bien connu du circuit. Elle sera parée dimanche soir des jolis bijoux destinés à la plus brillante représentante de la gent féminine cannoise.


Un Américain en finale

Les Danois font, une fois de plus, mieux que figurer. Pernille risque de ne pas être la seule à recevoir un grand trophée. Petit ou grand, ils vont en glaner quelques-uns. Dans le main déjà, où Gus Hansen est toujours là. La star du poker, ancien du backgammon, est revenue cette année à ses premières amours en tant qu’ambassadeur des World Series of Backgammon. Mais ses résultats, dans les deux premières épreuves de Londres et de Copenhague, l’ont tenu éloigné des sommets. Le revoilà ici parmi l’élite. En quart de finale, il a disposé de sa compatriote Pia Jeppesen. Il rencontrera en demi-finale l’Anglais Nicky Check. L’autre finaliste est déjà connu. Il est américain. Robert Koca est considéré aux Etats-Unis comme un joueur très solide. On le connaît peu ici mais à partir de ce week-end, on se souviendra de son nom. Côté français, c’est Marc Santo-Roman qui a réalisé la meilleure performance, ne perdant qu’en demi-finale contre le Suédois Robert Lindbom. Et le Toulousain peut s’en vouloir. Après avoir sauvé la partie de crawford, encore assez loin du but, il s’est emmêlé les crayons, oubliant l’existence du videau un peu trop longtemps, avant de s’imaginer à quatre points du but alors qu’il lui en restait cinq à marquer. Alors qu’il croyait avoir gagné, il n’était qu’à 12-12. Et il perdra le dernier point.


Santo et Babillon pour une place en finale

Heureusement, la consolation progressive lui a permis d’entrer assez loin dans le tableau de repêchage. Et de se qualifier pour les demi-finales. Il tient son trophée et son chèque. Un Français sera en finale puisqu’il affrontera Alain Babillon qui réalise, lui aussi, un formidable tournoi. Dans l’autre demi-tableau c’est clair et net : quatre joueurs, quatre Danois. Quelle armada ! Simonsen, Nielsen, Bredahl, Dogan. Les deux premiers s’affronteront dimanche pour une place en demi-finale. Des deux derniers, c’est Bredahl qui est sorti vainqueur. Mais je vous assure que l’impression visuelle est étonnante. Sur le circuit WSOB, nous bénéficions de tableaux électroniques visibles de grands écrans plasma. Et devant le nom de chaque joueur figure le drapeau de son pays. Du rouge avec une croix blanche, on ne voit que ça. Mais quand donc sera-t-on capable, ailleurs, de développer une telle école de backgammon. Je vous assure que ça rend jaloux. Dès que vous croisez la route d’un Danois, vous savez que vous rencontrez un joueur solide. Pas forcément un génie. Juste un joueur très solide qui commettra peu d’erreurs et vous donnera du fil à retordre. Un seul petit truc si vous en rencontrez un : ils détestent passer un cube. Il faut vraiment qu’ils soient à la rue pour vous abandonner un point. Tenez-le vous pour dit.


L’Allemagne s’adjuge la Nations Cup

Les Danois ont donc leur drapeau partout sauf sur le podium de la Nations Cup. Ils ont abandonné leur titre à l’Allemagne. Hildsberg-Braconi : 7-2. Et un premier point. Plentz-Lo Surdo : 7-5. Et c’est fini. On ne disputera même pas le double. Pour Goetz Hildsberg, c’est comme pour les Danois, lorsqu’il n’est pas présent dans un tableau, il est dans un autre. L’Open lui a échappé, il s’est rattrapé sur la compétition par équipe. Aucun pays n’a pour l’instant réussi le doublé. La Nations Cup nous a, chaque année, offert un nouveau vainqueur. C’est la Suède qui accroche la troisième place en disposant de la Norvège. Rideau sur la Nations Cup. Mais le monde du backgammon ne s’arrête jamais de tourner. Lorsque les volets se ferment sur un événement, ils s’ouvrent sur un autre. Et le double a fait le plein. Un très beau tableau de 32 équipes et encore, il a fallu refuser du monde. Je passe sur la nouvelle remontée du bout du monde que j’ai réalisée avec Serge Dahan avant d’échouer au poteau parce que ça fait trois fois en trois jours et que c’est un peu lassant, pour vous comme pour moi. Une équipe française s’est hissée en demi-finale et ce n’était pas la plus attendue : José Rodriguez et Claude Lambert iront chercher la gagne. Après son quart de finale de consolation à Monaco, José réalise une sacrée tournée estivale. Tout comme Amélie Viennois, dans la division inférieure. Après avoir enlevé le last chance du tournoi débutant à Monaco, elle s’est qualifiée ici pour la finale de la consolation intermédiaire. Bravo à la future maman. Bon, c’est l’heure du poker. Je file. Allez, à demain…

Franck STEPLER

JOURNEE DE « GALA »

Vous avez déjà conduit entre chien et loup ? Désagréable, hein ? Eh bien c’est très exactement ce que je suis en train de faire sur la route de Divonne. Pourtant, je m’accroche. Mais les jours se suivent et se ressemblent. Revenu de 10-1 pour échouer au poteau dans le main, je suis revenu de 7-1 à 7-7 dans la consolation pour perdre encore la dernière horriblement. Et toujours en défiant les lois internationalement reconnues des probabilités. Après les vingt galas sur une porte ouverte hier, j’en ai aligné dix sur deux portes aujourd’hui. Ecœuré le mec, mais grave. Parce que d’autres arrivent, eux, à remonter des handicaps infernaux. Et sans flancher. Hier, Olivier Lafon l’avait fait deux fois. Aujourd’hui, c’est Alain Babillon qui, dans la consolation, est revenu de 0-7 pour ne plus laisser le moindre point au Japonais Moshizuki.


Le bad beat de Yomi

Bon, comme d’habitude, je ne suis pas le seul malheureux. La palme du bad beat revient aujourd’hui à Yomi Peretz. Son adversaire danois commence par lui avaler un cube à peu près imprenable. Il a trois pions derrière un prime et aura bien du mal à les extraire. Quelques coups plus tard, les trois sont devenus quatre. Tous sur le point as. Yomi le tient derrière un prime qui s’étend du point quatre au point huit. C’est là que David Coperfield entre en scène. Parce que non seulement il faut les faire, mais il faut les faire dans l’ordre : double deux pour coller les quatre pions au prime, double six pour les passer, double cinq pour accélérer leur retour à la maison. Une petite fin sans conséquence majeure, sauf le gain de deux points contre une perte annoncée de quatre. Yomi rincé. Il ne se relèvera pas et quittera la consolation comme il avait quitté le main.


La revanche de Gus Hansen ?

Alexis Vincent, lui, reste fidèle à sa tradition cannoise : croquer les champions du Monde dans la consolation. Par le passé, il en a aligné trois dans la soirée. Cette année, il s’est offert le tout frais tenant du titre danois Lars Trabolt. C’est bien vers la consolation que les yeux français se tournent désormais car dans le main, le premier tour de la journée a ressemblé à un cimetière bleu blanc rouge : Babillon, Peretz, Semour et Lafon à terre dès le début d’après-midi ! Seul Marc Santo-Roman a passé l’obstacle. Et le suivant. Il est en quart de finale. Avec lui : Lindbom, Koca, Noren, Nissen et Check. Et puis un quart de finale 100% danois qui opposera Pia Jeppesen, qu’on avait peu vue jusque-là, et Gus Hansen, plus vaillant que jamais. Et s’il venait chercher ici ce qu’il n’a pas trouvé à Las Vegas ?


Une Nations Cup très foot

Les Danois se rattraperont peut-être dans l’Open de leur faillite dans la Nations Cup. Faillite généralisée d’ailleurs chez les Nordiques. Super pronostic, une fois de plus, de Francky le visionnaire. Trois nations scandinaves en quart de finale, aucune en finale. L’Italie a battu la Norvège. L’Allemagne la Suède. Italie-Allemagne en finale, ça ressemble à tout sauf à une rencontre de backgammon. Dimanche, la finale aura des grands airs de classico du ballon rond. Peut-être un jour sera-t-on là, nous aussi. Ils sont donc battables tous ces grands gaillards du Nord. La vieille Europe, la vraie, a son mot à dire et ses valeurs à défendre. Dieu sait qu’au foot on les aime bien peu nos meilleurs ennemis italiens et allemands mais là, on est sacrément contents pour eux. Avec ces satanés Danois, ils constituent les deux délégations les plus fidèles au PartoucheGammon Tour. Ce n’est qu’agréable justice de les voir là. J’attends avec impatience de suivre leurs hostilités dominicales (c’est beau ça « hostilités dominicales », non ?). Bon allez, je deviens lyrique, c’est que je suis vraiment crevé. Au lit bébé. Allez, à demain…

Franck STEPLER

jeudi 17 juillet 2008

PLAISIR ET DEPIT


Peut-être dans un instant serai-je un peu dépité. Alors je commence par la très très bonne nouvelle du jour : il y avait sur la ligne de départ 155 joueurs. 155, c’est un de plus qu’à Copenhague. 124 à Londres, c’était un bon début pour les World Series of Backgammon. 154 au Danemark, c’était formidable. 155 ici, c’est merveilleux. Avant même de débarquer à Cannes, on s’y attendait. Devant l’affluence au warm-up, on ne doutait plus trop. Mais la confirmation est belle. Alors on peut dire ce qu’on veut. Qu’une minute trente par point seulement à la pendule c’est peu. Que ceci ou que cela. La preuve par trois est faite : la formule fonctionne. Elle plait. Et c’est tant mieux. Un point d’orgue pour les WSOB et une sacrée étape pour le PartoucheGammon Tour. Ca c’est pour le décor et pour la satisfaction générale. Après il y a le particulier. Les satisfactions, les dépits et même les dégoûts. Dégoûté comme Olivier Décultot qui ne se sort toujours pas de ses deux années de poisse. Dépité comme moi qui perds encore un match de premier tour en y dominant les parties les unes après les autres avant de me retrouver les quatre fers en l’air. Plus de vingt coups sans tirer un six qui m’assure quasiment le gammon tandis que mon adversaire en a besoin de trois et qu’il les réalise en moins de huit coups, sans quasiment jamais démonter son board, ça finit par défier les plus basiques lois des probabilités. Mené 8-0 alors que je dois être devant, ça use. Je ne reviendrai qu’à 12-10 avant de perdre le dernier point.


Le champion du Monde a disparu

Pourquoi ne suis-je pas capable de faire ce que d’autres parviennent à réaliser ? Mon ami Olivier Lafon était au bord de la pendaison. Mené 10-0, il avait déjà noué sa corde. Mais il est remonté et s’est finalement imposé. Puis il a enchaîné une deuxième victoire. Et puis une troisième. Il y en a pour qui Cannes ressemble à Monaco et d’autres non. Pour certains c’est dans le bon sens. Pour d’autres non. Pour les finalistes, c’est deux fois non. C’est presque un événement concernant Mario Sequeira tant le Portugais marche sur l’eau cette année. Finaliste du championnat du Monde dimanche dernier, il a été sorti dès l’entame par Antoinette Williams. Quant à Lars Trabolt, son vainqueur en Principauté, il a lui aussi disparu, même si ce ne fut qu’au deuxième tour. De nombreuses grosses têtes du PGT ont d’ailleurs chuté dès la première journée. En revanche, Gus Hansen, l’ambassadeur des WSOB, a très bien assimilé le décalage horaire. A peine débarqué des World Series of Poker de Las Vegas, il a enchaîné deux victoires et sera présent le deuxième jour.


Déjà en seizièmes

Arnaud Mattern a semble-t-il moins bien récupéré de son marathon de poker. Eliminé avec l’équipe de France dès le premier tour de la Nations Cup, il n’aura pas fait mieux dans l’open. Ses deux coéquipiers, en revanche, sont passés. Alain Babillon et Yomi Peretz sont qualifiés. Marc Santo-Roman et Pierre Semour aussi. Parmi ceux qui rejoignent les seizièmes de finale, on citera en vrac, dans le désordre et sans préséance : Pia Jeppesen Danemark, Ed O’Laughlin Etats-Unis, Götz Hildsberg et Volker Sonnabend Allemagne, Raj Jansari Angleterre ou Fabrizio Lo Surdo. J’en ai choisi quelques-uns et je me suis peut-être trompé. Je ne peux pas citer ici la longue liste des 32 joueurs encore en course. Et comme ça arrive parfois, c’est un joueur que j’ai délaissé pendant les premiers jours qui va au bout. Je mériterai alors un coup de règle en fer sur les doigts. On verra bien dimanche.


Les Nordiques toujours là

Dans la Nations Cup, on a démarré les quarts de finale. Une première nation nordique est passée. Il s’agit de la Norvège qui a disposé du Japon. Mais les hommes (et les femmes) du grand nord ne réaliseront pas la passe de trois. Suède et Danemark sont opposés. Un seul rejoindra la Norvège. Mais nous sommes dans deux demi-tableaux différents et une finale toute scandinave n’est pas impossible. Pour le vainqueur de Danemark-Suède, il faudra d’abord passer l’obstacle allemand. Pour la Norvège, ce sera la Suisse ou l’Italie, on saura ça vendredi soir. Et voilà pour aujourd’hui. Ah non, Danemark-Suède s’achève à l’instant et la Nations Cup nous offrira un vainqueur inédit puisque les grands favoris danois viennent de tomber face à la Suède. Le gobelet suédois fait des merveilles depuis le début. Ca semble continuer… Autant de matches et rien de plus flamboyant à vous raconter ? Ca arrive parfois. Certainement des petites choses incroyables se sont-elles déroulées ici ou là. Mais je ne les ai pas vues. C’est le charme de ce rendez-vous. Je vous raconte ce que j’ai vu ou entendu. Et certains jours, je vois peu et je n’entends rien. On fera mieux demain. J’espère. Allez, à demain…

Franck STEPLER

mercredi 16 juillet 2008

LA GROSSE EDITION


Bon bah très chers camarades, c’est parti sur les chapeaux de roue. Elle va être belle l’édition 2008. A l’heure des inscriptions pour le warm-up c’était déjà la guerre. 128 joueurs dans le tableau et quelques malheureux oubliés sur le bord de la route. Non, il n’y avait pas de place pour tout le monde. Imaginez ce que ce sera dans le vrai tournoi ! Il ne fallait pas arriver en retard et certains l’ont appris à leurs dépends. Voir la salle du Palm Beach grouiller comme ça, un mercredi soir, c’est rare ! Et croyez-le bien, ça fait sacrément plaisir. Même si on pouvait s’y attendre. Cannes accueille traditionnellement l’un des plus beaux tournois de la saison. Mais cette année, plus que jamais, avec la finale du PartoucheGammon Tour qui s’approche à grands pas et les World Series of Backgammon qui rendront leur verdict lundi, c’est LE grand rendez-vous. Peut-être la plus belle épreuve de la saison. En tout cas la plus pleine de promesses. S’il y a un tournoi à gagner, c’est celui-là. C’est Monaco sans les flambeurs. La densité est peut-être encore plus grande. S’extirper de ce repaire de très bons joueurs relèvera, pour le vainqueur, de sacré exploit. Non seulement il gagnera la reconnaissance mais aussi les sous, la finale des WSOB et, vraisemblablement, celle du PGT. Bref, le grand chelem.


Qu’on essaie autre chose

Gagner la Nations Cup c’est aussi inscrire une belle ligne sur son palmarès. Jamais un Français ne l’a écrite. Et ce ne sera pas encore pour cette année. On est maudits ? Peut-être pas. Peut-être a-t-on simplement moins faim que les autres dans cette prestigieuse épreuve. Quand on voit que les autres se bousculent pour la disputer et qu’on souffre le martyre pour composer notre équipe. J’ai fait officiellement acte de candidature pour l’année prochaine. Je ne suis peut-être pas le meilleur mais moi au moins, j’ai une faim de loup ! Jusqu’ici, on a toujours essayé de composer la meilleure équipe possible et elle a toujours pris des fessées. Encore trois défaites en trois rencontres cette année… Alors peut-être faut-il changer de stratégie. Ne choisissons pas les meilleurs mais ceux qui ont envie de se battre. Ce n’est pas une pierre dans le jardin de mes camarades qui ont représenté les trois couleurs ces dernières années mais les résultats sont là. Je propose juste qu’on essaie autre chose. Alors, les amis, qu’est-ce qu’on fait ?


Tous les Nordiques sont passés

Avec l’équipe de France, Yomi Peretz a perdu la première bataille mais pas la guerre. Il est remonté comme un coucou. « Je vais gagner le tournoi », me souffle-t-il à l’instant à l’oreille. Amen. Si ce n’est pas moi, autant que ce soit toi. Yomi est un pur sang. Et souvent, ça paie. En tout cas, ça déstabilise. Il joue vite et agressif. Résultat, son rapport nombre de trophées sur nombre de tournois disputés est assez impressionnant. Alors pourquoi pas un de plus. En tout cas, pour sa deuxième participation à la Nations Cup, c’est une nouvelle déconfiture. Et c’est la Norvège qui accompagne la Suède en quarts. Les deux nations nordiques de la poule sont passées. Normal ? Peut-être. Et les Danois ? Passés aussi bien sûr. Deuxièmes de la poule A derrière le Japon, qualifié aussi. La surprise vient de la poule D. Etats-Unis et Russie au tapis. Ce sont l’Allemagne et la surprenante Italie qui passent. La poule C a été un peu faussée par le désagréable forfait de l’Afghanistan pour la dernière rencontre. L’Angleterre sera qualifiée quoi qu’il arrive grâce à sa victoire 3-0 sans combattre. Israéliens et Suisses l’ont un peu mauvaise. Les Suisses qui ont perdu le double mais n’ont besoin que d’une victoire en simple pour passer. Israël n’a aucun droit à l’erreur.


Bravo les p’tits Suisses

Retour au warm-up qui avance. Kolonias est le premier qualifié pour les demi-finales. Cécile Wolf sera la Française qui sera allée le plus loin. Elle est en quart et affronte l’Allemand Jan Jacobowitz. Et la victoire n’est pas loin. Pour sauver le gammon, Jan a besoin de double cinq et double six ou, bien sûr, deux fois double six. Ce sera double cinq, double six. Et bien sûr, il gagne la suivante. Cécile s’arrête là. Jan est en demi-finale. D’ici peu, le tournoi d’échauffement aura rendu son verdict et un joueur (ou une joueuse) aura gagné son ticket pour le grand tournoi. Ce sera peut-être Jacobowitz, qui s’est débarrassé de Kolonias. De l’autre côté, Evers est en demi, Kazemieh et Royset en quart. Pour cause de Nations Cup, fin demain. Et puisqu’on parle de la Nations Cup, finissons avec elle. Les Suisses ont gagné leurs deux simples. Didisheim a battu Shamash. Ben Lassin a vaincu le grand Fallafel. Ils finissent premiers de leur poule avec trois victoires et rencontreront l’Italie en quart. Bravo les p’tits Suisses ! Et à demain…

Franck STEPLER

Le Danemark pour un doublé ?

Bon, je vous la fais courte sur Monaco parce que je vous ai quittés en vous laissant plein d’espoirs mais que ceux-ci ont finalement été déçus. Le duel Babillon-Guedj que nous attendions en quart de finale n’a pas eu lieu. On a même perdu la trace de nos deux héros en huitième de finale. Il n’y aura finalement eu aucun Français pour aller chercher un trophée dans la division majeure dimanche soir. Quelques accessits tout de même dans les divisions inférieures. Eric Guedj aura donc une fois de plus subi la malédiction monégasque. En quart de finale de consolation, il s’est approché du podium mais l’a laissé filer. Beau tournoi quand même mais il rentre bredouille. Heureusement, le champion est un beau champion. Sans faire injure à ses prédécesseurs, il y avait longtemps que le championnat du Monde ne nous avait offert un aussi méritant vainqueur. Lars Trabolt est un digne représentant de la haute école danoise. On les a d’ailleurs vus nombreux sur la boîte dimanche soir. Celui que le monde du backgammon appelle « Trabi » et qu’Eric Guedj préfère affubler du sobriquet de « Three Blots » (les initiés comprendront) était l’immense favori d’une finale qui l’opposait à Mario Sequeira. Le Portugais réalise une saison de feu, avec trois trophées déjà dans le PartoucheGammon Tour, mais il est tombé contre plus fort que lui. La logique, une fois n’est pas coutume ces derniers temps, a été respectée. Trabi le mérite. Le Danemark aussi.


Mattern-Peretz le retour

On a longé la grande bleue quelques kilomètres et nous voilà donc installés à Cannes pour une semaine. Tradition oblige, la Nations Cup ouvre le grand événement du Palm Beach. Seize nations sont engagées. Les tenants du titre danois bien sûr mais aussi quelques anciens vainqueurs comme les Etats-Unis ou Israël. L’équipe de France est pour le moins inattendue. Pour épauler un Alain Babillon à la forme presque retrouvée, deux revenants qu’on ne voyait plus guère qu’assis à des tables de poker : Arnaud Mattern et Yomi Peretz. Même éloignés de la compétition, on se souvient de leurs exploits en double, à Enghien ou au championnat de France. En simple, ce n’est pas mal non plus avec un titre de champion de France pour Arnaud il y a un peu plus d’un an et de nombreux trophées décrochés par Yomi, le plus impulsif (au bon sens du terme) des joueurs du circuit. Dans notre poule, la B : l’Ukraine pour commencer puis deux pays nordiques (heureusement pas le Danemark !) : la Norvège et la Suède.


Fallafel sort les doubles

Et comme souvent, ça commence mal. Le duo Arnaud-Yomi reconstitué lutte contre des Ukrainiens qui leur retournent partie sur partie. Ils parviennent à huit partout dans un match en neuf mais, là encore, alors qu’ils ont fait l’essentiel du chemin, le point finit en face. 8-9. Il faudra gagner les deux simples. Babillon entre en piste et Peretz continue. Pendant ce temps, dans la poule C, les Israéliens ont battu les Afghans trois victoires à zéro. Fallafel n’est pas numéro un mondial pour rien. Lorsqu’il faut tirer, il est là. Son simple contre Najib Salamzy n’aura duré qu’une partie. Le match se joue en sept points. Cube à huit accepté par le chef de file israélien malgré les cinq et les six qui frappent en face. Il est frappé. Il revit mais voit finalement la mort s’approcher à grands pas. C’est alors que le coup de poignet vaut cher : double six, double cinq, double six. Même les plus grands en ont parfois besoin. Deuxième victoire israélienne puis troisième grâce à Simon Shamash. A demain pour eux. Dans l’autre rencontre de la poule, les Suisses ont retourné une situation périlleuse après la perte du double. Finalement, ils s’imposent dans les deux simples et empochent la victoire face aux Anglais. Ils peuvent, eux aussi, aller dormir avec la satisfaction du devoir accompli.


Ca bouge de partout

Dans la poule A, le Japon qui sort d’un excellent championnat du Monde a marché sur les Georgiens, avec un rapide 3-0 pour sanction. Face aux Grecs, les favoris Danois ont flanché dès le double. Morten Holm a ensuite gagné son simple. Le dernier se termine au couteau. 5 partout. Le cube est envoyé par le joueur grec. C’est la dernière. L’ascendant est danois mais pas définitif. Le parcours reste accidenté jusqu’au bout mais le Danois ne rencontrera aucun obstacle. Et une première étape de franchie. En route pour le doublé ? Pendant ce temps, ça sent le roussi côté français. Alain Babillon est mené 1-3. Pas de drame. Yomi Peretz 1-6. Déjà plus dramatique. Mais l’attaquant est de retour. Il pousse. Jusqu’au bout. 7-6. A Alain de conclure le travail. Le cube est parti à quatre. L’Ukrainien a un double six pour plier le match. Il tire cinq et quatre. Babillon mène 5-3. Ca bouge de partout. J’adore. Dans la poule D, l’Italie vient de perdre son deuxième point contre l’Allemagne. Peu importe le résultat du dernier match Braconi-Jacobowitz, l’Allemagne virera devant. Mais tous les points comptent et Jan veut cette troisième victoire. Il ne l’aura pas. 2-1 « seulement ».


Et la France s’inclina

Il reste deux rencontres à conclure. France-Ukraine et, dans la poule D, Etats-Unis-Russie. Les Américains ont gagné le double. Les simples sont accrochés. Dans la poule B, les Suédois ont gagné 3-0 contre les Norvégiens. Quoi qu'il arrive, la France ne virera pas en tête. Mais reconnaissez qu'on serait quand même mieux à 2-1 qu’à 1-2, Monsieur de la Palisse l’aurait dit bien mieux que moi. 6-4 crawford désormais pour Babillon. Et très vite six partout après une exécution en règle. Tout se jouera donc sur un tout petit dernier point. Comme si souvent. Presque comme toujours. Et tout finit par une course. Comme si souvent. Presque comme toujours. Et la France s’incline. Comme si souvent dans la Nations Cup. Il faudra cravacher derrière. A nous les Nordiques. Il ne reste plus qu’à conclure Etats-Unis-Russie. Là encore, une victoire partout et un dernier simple qui se joue à l’ultime point entre Bob Wachtel et Nodar Gagua. Gagua vainqueur. La Russie avec. La suite au prochain numéro. Allez, à demain…

Franck STEPLER

jeudi 10 juillet 2008

FAISONS UN RÊVE

Bonjour tout le monde. Monaco. Jeudi matin. Ciel « bleu non référencé ». Lumière aveuglante. Chaleur étouffante. Bref, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. A part que ce n’est pas encore cette année que je décrocherai le Graal, je n’ai pas à me plaindre de grand-chose. Pour les non initiés, sachez que Monaco accueille chaque année depuis plus de trente ans le championnat du Monde de backgammon. Nous sommes plus de 300 joueurs dont 199 (pour être très précis et regretter qu’un 200ème ne se soit pas présenté à la dernière minute pour la beauté et la rondeur du chiffre) à disputer la division majeure, celle dans laquelle on décernera dimanche le titre suprême (bon, forcément, si vous me lisez lundi ou mardi, vous êtes un peu perdu dans les dates parce que, dans ce cas-là, la finale a déjà eu lieu, on connaît le nom du nouveau champion et vous, vous attendez avec impatience ma chronique de mercredi pour découvrir son nom alors, je sais, la vie est dure, mais la vie est injuste et tout joueur de backgammon qui se respecte doit savoir l’accepter sinon, chers amis, il va falloir très sérieusement que vous songiez à changer de discipline de prédilection ; ceci dit, et parce que ma gratitude est sans fin, je reprends pour ceux qui ne suivent pas : je suis en train de vous écrire jeudi 10 juillet, la finale aura lieu dimanche 13 et je vous réécrirai de Cannes mardi 15 au soir, voire dans la nuit, pour que vous en sachiez plus mercredi 16. OK, tout va bien là ? Non, toujours pas, alors là, sincèrement désolé, je ne peux plus rien pour vous….


Peut-être la saison du boss
Revenons aux choses sérieuses. Un petit point à mi-parcours quand même pour vous dire que le grand trophée aura du mal à passer une petite année au chaud en France, en tout cas, vous l’aviez compris, ce ne sera pas sur ma cheminée. Pas plus sur celle de François Tardieu, une nouvelle fois en échec ici, malgré un bon départ et deux victoires, respectivement en six et cinq heures (!!!!!!!) : vive la pendule ! Mais reconnaissons en toute bonne foi que ses adversaires y sont largement pour autant que lui. Sans rentrer dans plus de détails, après que d’autres cadors sont tombés avant lui (Falafel et Lylloff entre autres, soit, avec Tardieu, les trois meilleurs joueurs du Monde présents qui filent au tapis prématurément, presque une habitude), il nous reste seize joueurs dont deux Français : Alain Babillon et notre vénéré patron du PartoucheGammon Tour, Eric Guedj. Peut-être sa saison au boss. Champion de France en décembre, un titre de champion du Monde dans la foulée aurait une sacrée gueule. Si tous les deux entrent dans les huit, ils se rencontreront en quart de finale. Dommage. Mais au moins s’assurerait-on l’un des nôtres sur la photo finale, un trophée à la main. La route est encore longue…


L’Evénement de l’année
Et puis la route nous mènera à Cannes. Ce Palm Beach qui nous accueille deux fois par an, en février puis en juillet, ouvrira ses portes à L’Evénement de l’année. Cannes, c’est peut-être l’épreuve majeure de la saison internationale. Parce que l’étau se resserre sur les candidats à la qualification pour la Grande Finale du PGT de Divonne-les-Bains. Parce que la semaine commencera par la désormais traditionnelle Nations Cup, cette unique et magnifique compétition par équipes nationales. Parce qu’elle se conclura exceptionnellement un lundi, le 21 juillet, par la Grande Finale des World Series of Backgammon. En gros, le type qui repart à poil de Cannes n’a plus qu’à écraser une larmichette. Il y a tant à venir y chercher qu’en repartir bredouille ressemblera pour certains à un cauchemar. Mais quoi qu’il arrive, la semaine sera certainement très belle. Il en est rarement autrement au Palm Beach.


Et si on y était ?
Pour en revenir au PGT (c’est quand même bien lui qui nous préoccupe au premier chef ici), on commence à y voir plus clair et, au soir de la finale cannoise, les idées seront encore plus nettes. Il semblerait que la barre des 350 points ressemble à une espèce d’assurance vie. Au-dessus, le ticket pour Divonne semble validé. Allez donc jeter un œil au classement (dès que vous aurez fini de me lire, quand même, restez poli, merci pour tout) et vous pourrez y découvrir les noms de ceux qui viendront à Cannes sans trembler. Vous verrez aussi qu’une longue liste d’outsiders figure au-dessus des 250 points et peut croire à ses chances avec deux épreuves encore à disputer (puisque Aix-en-Provence conclura la saison régulière au mois de septembre). Mais il faudra avoir le poignet ferme et réaliser des performances pour passer. Je fais partie de ceux-là et une non qualification serait une sacrée déception. Quant à ceux qui sont plus loin, ce sont de grosses perfs qu’il leur faudra. Mais une seule peut tout changer. La bonne, au bon moment. Alors à Cannes ? Elle vaut tellement cher (au propre comme au figuré) : victoire de prestige plus qualification pour Divonne plus qualification pour la Grande Finale des WSOP : un dimanche 20 juillet d’une valeur inestimable (ou au contraire bien trop estimable !), surtout quand on connaît les prix distribués dans les deux Grandes Finales. Et si on y était ? Allez, arrête de rêver petit. Mais ça fait du bien de rêver ! Bon, rêve alors. Allez, à très vite…

Franck STEPLER