samedi 5 avril 2008

COCORICO DE CHEZ COCORICO


Ils ne sont pas danois, ils ne sont pas allemands, ils ne sont pas non plus américains, japonais, italiens, portugais ou britanniques. Ils sont bien français. Et ils sont finalistes. Eh oui les amis, une finale 100% française. Qu’est-ce que ça fait du bien. Vous savez, le backgammon est un monde charmant. On n’y compte que des amis très chers. Mais lorsqu’un joueur d’une nation forte s’assied en face d’un français, son très cher ami français, c’est souvent avec une espèce de condescendance un peu agaçante. Bien entendu, certains de nos joueurs sont respectés et comptent parmi les meilleurs. François Tardieu (absent ici) n’est pas le seul. Mais il est vrai qu’on ne nous considère pas comme une des nations phares de la discipline. Alors vous me pardonnerez ce léger accès de chauvinisme (auquel je vous ai quand même habitué depuis plus d’un an que vous me lisez, je le confesse) mais c’est une sacrée satisfaction. Le vent avait déjà soufflé dans le bon sens dès les demi-finales. Souvent, les rendez-vous sont manqués et lorsqu’on attend un duel, il arrive rarement (on le verra tout à l’heure dans le double). Mais là, tout le monde a été ponctuel. Minh Nguyen et Miki Suzuki en haut du tableau, Thierry Manouck en bas : trois Français en quart, trois Français en demi. Seul l’Allemand Guendogan a survécu à la déferlante. Et « survivre » est bien le verbe approprié.

Les échecs à l’honneur

Joue-t-il bien ? Joue-t-il mal ? Je vous avouerai franchement que je suis incapable de vous le dire. J’ai assisté à la deuxième moitié de sa demi-finale contre Manouck et je ne l’ai pas vu jouer. Thierry a tiré tout ce qu’il voulait et lui tout ce qu’il ne fallait pas. Il a vécu sur la barre pour trois gammons consécutifs et une addition au gros sel : 17-2 ! Hommage à Thierry qui compte parmi les meilleurs joueurs français. Et ça ne date pas d’hier. En voilà un qui fait partie de ceux qui méritent le respect pour leur inventivité sur le board. Très grand joueur d’échecs, il n’est pas en reste lorsqu’il passe à la version backgammon du duel. Il est, de loin, celui que j’ai le plus de mal à manipuler. Il m’avait d’ailleurs battu l’an dernier en finale du last chance à Paris puis en quart de la Grande Finale à Divonne. Il a toujours bien figuré dans le PartoucheGammon Tour sans jamais s’imposer. C’est peut-être pour ce week-end.
Une finale 100% française est assurée. Elle peut être 100% échecs. Minh Nguyen, mon favori de la semaine, est lui aussi un sacré acteur du noble jeu. Sa demi-finale ne ressemble en rien à la première. Au couteau jusqu’à ce qu’il prenne un peu le large. 14-10. Face à lui, Miki Suzuki ne lâche rien. Elle est revenue d’un début de match qui semblait lui échapper (0-6). Miki est japonaise mais elle est licenciée en France. Elle a été championne de France et pour nous, elle est complètement des nôtres. Et la revoilà à 14 partout après un 6 et 2 magique pour shooter à distance. Partie suivante. Minh gagne une course tendue. 16-14. Un point et c’est la finale. Il n’y a pas de partie. Il blitz. Vite et bien. Il gagne. J’en avais fait mon favori. Je vous l’avais dit hier. Pour l’instant, je ne me suis pas trompé. Mais gare au Manouck !

Une consolation un peu plus internationale

Dans la consolation, Frédéric Andrieu a porté nos couleurs jusqu’en demi-finale où l’attend le Portugais Mario Sequeira. Il est notre dernier représentant. Le revoilà après une période où on l’a moins vu sur les podiums. Sa plus belle prestation à ce jour remontant au championnat du Monde, il y a deux ans, où opposé à un jeune Indien en finale du tournoi intermédiaire, il n’a marqué qu’un seul petit point lorsque son adversaire arrive lui à un point de la victoire. Il remonte tout, gagne, hurle, saute et n’en revient pas. Il a gagné à Monaco, dans une finale absolument folle. L’autre demi-finale mettra aux prises le Japonais Moshizuki et le Britannique Janzari. Elles se dérouleront ce dimanche après-midi. Les quarts de finale se sont finis bien tard et une bonne nuit de repos a été demandée avant d’attaquer la dernière ligne droite.

Un sniper italien dans le double

Venons-en au double et au croqueur de Frenchies. Si en simple tout va bien pour nous, on ne peut pas en dire autant de ce côté-là. La faute à un homme, un jeune homme plein de talent et aux dés ravageurs (et le mot est faible !) : l’Italien Fernando Braconi. Souvenez-vous, il avait été la révélation du tournoi de Cannes, au mois de février, atteignant la finale pour sa première grande sortie internationale. Ici, en simple, rien à signaler. En double, il était inscrit avec Fabrizio Lo Surdo, occupé à poursuivre sa route en individuel et qui l’a laissé se débrouiller seul. Sacrée débrouillardise ! Alain Babillon et moi en avons fait l’amère expérience au premier tour (ce qui me fait donc trois défaites au premier tour au compteur, en attendant le last chance, une grande première pour moi, mais il faut toujours une première fois…). Il nous a littéralement ratatinés. Même punition (pire peut-être ?) pour les sœurs Cécile Wolf et Julie Thabault au deuxième tour. Le(s) voilà en demi-finale. Avec encore du Français à Martyriser. De l’Azuréen pour être précis. Ceux-là, personne ne les attendait à pareille fête. François Coignard est associé à José Rodriguez, l’homme à la cote de mille contre un au dernier championnat du Monde. Ils ont d’abord battu leur copain Alexis Vincent, associé à Olivier Décultot, puis Olivier Croisille et Luca Surmeillan, deux équipes plus fortes sur le papier. Mais le papier, au backgammon… Allez, les gars, s’il-vous-plaît, faites-leur mal aux Italiens ! Dans l’autre demi-tableau, le Hollandais Philip Vischjager et l’Allemand Götz Hildsberg rencontreront le japonais Moshizuki (pour sa deuxième demi du jour) et l’Autrichien, récent vainqueur du Nordis Open, Tassilo Rzymann. Leur finish contre les Italiens a été à l’image de cette journée : haletant. Une dernière partie d’anthologie au cours de laquelle les mouches n’ont cessé de changer d’âne. Elles auraient encore pu troquer leur monture au dernier jet mais elles se sont arrêtées là. A titre personnel, je n’ai pas beaucoup joué mais au moins, j’ai vue de bien belles choses. Et j’en avais tant à vous raconter que je n’ai pas trouvé la place de vous dire trop de bêtises. Ca change. Allez, à demain pour la conclusion…

Franck STEPLER