dimanche 6 avril 2008

L’HOMME EN FORME N’A PAS DECU


Ca devient une certitude absolue : je suis meilleur pronostiqueur que joueur. J’avais prédit la victoire de Minh Nguyen. J’avais prédit mon grand chelem des défaites au premier tour. Double prophétie gagnante, qui prouve à la fois que je suis visionnaire mais aussi une bille devant un board. Il faut dire qu’ils s’était passé le mot pour me défoncer à coup de jokers, de doubles et d’humiliations plus infâmes les unes que les autres. Dans le last chance, j’ai retrouvé un Volker Sonnabend plus en forme encore que lorsqu’il m’a sorti de la consolation. 5-0 et au lit. En fin au lit, non. Parce que c’est là que ce jeu devient le plus vicieux de tous. C’est qu’à partir de là, dès que le tournoi a été officiellement terminé pour moi, les dés sont devenus mes meilleurs amis. Un jackpot emporté sans trembler et qui rembourse mes horribles bad beats (bien pires encore qu’au backgammon je crois) subis deux soirs de suite au poker. Puis une série de défis en blitz, tous remportés, y compris cette course démarrée avec d’incomptables dizaines de pips de retard. Une honte ! Mais pourquoi donc est-ce que ça revient si tard ! Mieux vaut tard que jamais, certes, mais là, ça énerve quand même.

Minhou peut voyager

Bon, Stepler on s’en fout, je vous l’accorde. Il y avait nettement plus intéressant aujourd’hui. Une finale franco-française, ça n’arrive pas si souvent. Un seul tournoi a fait exception à cette règle, c’est celui d’Aix-les-Bains qui, en trois éditions, avait tout simplement proposé trois fois six finalistes français. Pour Thierry Manouck, c’était une de plus. Pour Minh Nguyen, la plus belle. Mon favori annoncé ne partait pourtant pas avec la faveur des pronostics, eu égard aux carrières respectives de chacun. Mais tout démarre bien. Une première partie gagnée, une seconde bien lancée pour être perdue gammon, retournée comme toutes les autres depuis trois jours (avec des dés pareils, il peut voyager le Minhou) et finalement empochée pour un 4-0 initial. Le reste dans le même genre. Thierry ne sera jamais en tête. Tout juste un 9 partout en cours de route mais Minh repart de l’avant. Le match est fait pour être plié. Il laisse une frappe. Il est frappé. Il revient pour gagner. Il laisse une nouvelle frappe. Pas de serrage de main. Un cube à la demi-intox de Thierry. Ce n’est pas un cube. Encore moins un passe. Minh passe. On continue. On arrive à double match point. Ca tangue des deux côtés. Mais les dés ont choisi leur homme depuis bien longtemps. Ils ne le lâcheront pas maintenant. Il aurait mérité de gagner à plusieurs reprises, même s’il a fait quelques bêtises, comme ce passe inapproprié. Le dernier double est pour lui. Cette fois, ils peuvent se serrer la main. La salle peut applaudir. Minh poursuit une année formidable : quart de finale à Cannes, demi-finale de consolation dans la foulée et donc victoire ici. En janvier, il devenait Maître International d’échecs. Il se souviendra de 2008. Thierry, lui, poursuit sur sa lancée : souvent placé, rarement gagnant. Comme il le rappelle, il enchaîne les défaites contre les vainqueurs de tournois. Au premier tour, un peu plus tard ou en finale, c’est souvent contre eux qu’il chute. Il n’empêche qu’on n’oubliera pas sa défaite 14-0 contre la tenante du titre, Pia Jeppesen, dès son entrée dans le tournoi, avant qu’il ne se rachète pour se hisser en finale. Chapeau Messieurs !

Le « comptable » portugais empoche la consolation

Dans la consolation, on espérait Frédéric Andrieu pour compléter le palmarès mais il s’est arrêté en demi-finale, battu par le futur vainqueur, le Portugais Mario Sequeira, comptable officiel du PartoucheGammon Tour. Mario vit avec un petit papier à la main sur lequel figurent les noms de tous les joueurs, leur classement et le nombre de points marqués dans l’épreuve en cours (à côté de mon nom, j’ai vu tout plein de zéros !). Les organisateurs n’ont pas intérêt à commettre la moindre erreur de calcul ou un petit coup de fil en provenance de Lisbonne les rappellera à l’ordre. En finale, il a dominé le Japonais Moshizuki, lui-même vainqueur du britannique Jansari en demi. Encore une place d’honneur pour Moshi, considéré par beaucoup comme l’un des joueurs les plus durs à manipuler. Götz Hildsberg semble être, lui aussi, de ceux-là. Un dernier point d’anthologie à frappe et re-frappe incessantes pour faire pencher la balance dans un camp ou l’autre à chaque jet, lui offre le Last Chance contre son compatriote Mohr, qui avait déjà atteint la finale du warm-up, partagée avec son ami Frank Brinkmann. Mohr est un grand type très sympa qui se balade au volant d’un énorme camping-car qui l’a amené d’Allemagne jusqu’ici. Je vous le dis, dans ce monde du backgammon, on voit vraiment de tout…

Les Azuréens l’ont fait

Il allait encore finir le double. Et ce diable de Braconi alors ? Diabolisé par les plus qu’inattendus Azuréens François Coignard et José Rodriguez. Ils nous ont vengés. Merci les gars. On les a enfin eus les Italiens. La finale n’a pas eu le temps de se disputer. A l’heure où je vous écris, la seconde demi-finale se joue encore. Ils ont partagé la gloire et ont regagné la Côte. Ils apprendront tout à l’heure, sur l’autoroute, quels noms les accompagneront sur les tablettes. Vous, vous le saurez dans quelques lignes, dès que j’aurai assisté à la fin du match. Un autre match vient de se terminer. L’OM a battu l’OL 3-1 au Vélodrome. Mon week-end ne se termine pas si mal. Ici, les Lyonnais font grise mine. Qu’est-ce que j’aime ça ! Bon bah je vais retourner au poker. On ne sait jamais que ce dimanche veuille, là aussi, m’être un peu plus agréable. Rendez-vous à Paris les amis. Ca va venir vite. Dans deux semaines et demie on y est. Je ne ruminerai pas trop longtemps ma déconvenue lyonnaise. Et puis à Paris, je reste sur un trophée. Et si l’histoire voulait bien se répéter ? Au fait, les vainqueurs de la deuxième demi-finale sont Moshi et l’Autrichien Tassilo Rzymann, à l’issue d’une nième course au tout dernier point. Encore un bon dimanche pour Moshi. Allez, salut. Et à très vite…

Franck STEPLER