vendredi 30 mai 2008

L’IMPROBABLE S’EST PRODUIT


Et l’histoire ne se répéta pas… Ou plutôt si mais l’histoire récente. Celle des défaites qui agacent. Une fabrique de doubles dans le gobelet de Luca Surmeyan lui donne la finale du warm-up au réveil. Ce ne sera que ma première défaite du jour. Super tirage au sort derrière : le meilleur joueur du tournoi, le Giant danois Morten Holm. Il devait certainement vouloir venger sa femme que j’avais battue la veille. Un beau duel jusqu’à neuf partout dans un match en treize. J’envoie un cube dangereux pour lui. Dangereux à tel point que le sacrosaint Snowie nous apprendra ensuite qu’il aurait du passer. Mais il prend. Redouble à quatre tendu pour le match. Je prends ma chance. Il n’a que quinze shoots. S’il me rate, j’en aurai ensuite un paquet pour gagner. Il ne me rate pas. Fin de l’histoire. Je gagnerai enfin un match en consolation contre Frédéric Andrieu, contre qui je ne perds jamais (un des rares…). Et puis je sortirai après diner contre le Georgien Tsertsvadze dans un match pas particulièrement agréable. Désagréable surtout lorsqu’un adversaire qui ne sait pas passer un cube vous en avale un à quatre avec une tonne de retard pour claquer immédiatement le double six qui plis l’affaire sous la forme d’un cube à huit inacceptable. Allez, dehors Stepler !


Un couple en lutte

Des 59 joueurs inscrits dans cette cinquième étape du PGT, il n’en reste plus que huit en course pour le week-end. Le match le plus amusant des huitièmes de finale allait opposer Catherine Pascal à Claude Lambert. Ils sont compagnons dans la vie et bien connus pour leurs prises de bec autour du board. Qu’allait donc nous offrir ce match atypique ? Il faut savoir que Catherine Pascal et son amie Nadia Danckof faisaient figure de sacrées outsiders à l’orée du tournoi. Et voilà que le tirage au sort les a mises face à face. Catherine s’est donc imposée. Mais non contente de passer un tour, elle en a passé un second. Et si elle mettait Claude à terre ? Si cet affrontement familial est une rareté, les duels amicaux sont plus fréquents. Deux des cadors du backgammon français se retrouvaient au second tour : Alain Babillon et Thierry Manouck. Suprématie nationale en jeu. Ce n’est pas la saison d’Alain. Thierry est plus en forme. Une forme de logique a été respectée. Match tendu mais victoire finale de Manouck qui retrouve Luca Surmeyan au tour suivant.


Le bad beat du jour

Le bad beat du jour est revenu à Alexis Vincent. A en arrêter le backgammon pour une bonne quinzaine d’années. Opposé à l’Allemand Götz Hildsberg, il ne voit pas vraiment le jour. 14-7 contre lui. Un point et à la douche. Mais il se défend. Et plutôt bien. 14-8 puis une partie triple sur cube : 14 partout. Un point et à la douche. Mais cette fois-ci, l’un comme l’autre peut rejoindre les vestiaires. La vingtaine de curieux qui entourent la table en sont désormais convaincus, c’est l’Allemand qui va mettre genou à terre. Il a trois pions sur la barre contre un board de cinq portes. Alexis n’a plus qu’à dérouler. Il lui reste juste un petit pion arriéré à ramener vers les copains. Un deux ou un cinq et c’est fait. Mais parfois, les dés ne veulent vraiment pas. Six coups sans le moindre deux, sans le moindre cinq. Et un horrible double trois qui explose une si belle construction, laissant même un petit pion en pâture. Vous avez déjà compris la suite. Shoot, deux pions dans la nature, défaite improbable et grosse grosse déprime. Y’a plus qu’à essayer de se consoler dans la consolation. Enfin essayer seulement. Il mène 5-1. Il perd 9-5. Vraiment une salle journée…


La chevauchée fantastique

En quart de finale, on allait forcément retrouver quelques Français. Un membre du couple Pascal-Lambert mais aussi Jean-Philippe Rohr ou Constantin Mezadourian, opposés en huitième. Le Marseillais Michel Hileyan pouvait lui aussi entrer dans les huit. Il lui fallait passer l’obstacle Andy Bell. Zoran Maric, le vainqueur de Divonne, et Thierry Manouck, finaliste à Lyon, pouvaient eux aussi être de la partie. Il est presque une heure du matin et ça s’emballe. La chevauchée fantastique nous arrive alors de l’estrade où s’affronte Patrick Gastaldi, ancien champion de France, et Morten Holm, mon bourreau. Tranquille Morten : 9-0. Moins tranquille Morten, après la pause : 9-16. On jouait en quinze points. Patrick se lève sous les applaudissements bien mérités. Il rencontrera Andy Bell, une nouvelle fois présent en quart de finale, Andy passé près de la défaite contre Michel Hileyan mais c’est passé. Peu de temps avant, Götz Hildsberg a lui aussi aligné ses quinze points. Mené 4-0 par Fernando Braconi, tout frais champion d’Europe, il l’emporte 15-4 en tirant le plomb, comme il sait si bien le faire. Il est en quart. Il rencontrera le Georgien Natchkebia qui a ruiné les espoirs de Zoran Maric.


Un quart de finale improbable

En haut du tableau, on assistera au plus improbable des quarts de finale. Car oui Mesdames Messieurs, elle l’a mis à terre. Catherine Pascal a terrassé son homme. Comme prévu, ils se sont bouffé le nez par-dessus le board tout au long du match. Au coude à coude, Claude Lambert a finalement pris les devants. 14-9 en 15. Catherine n’y croit plus. Elle bougonne. Mais quelques-uns, au bord du ring, lui disent d’y croire encore. La vieille rengaine du backgammon. Ce n’est donc jamais fini. 14-11. Elle envoie. Il gobe. Elle l’attaque. Accumule les absurdités. N’est jamais punie. Gammon. Elle a gagné. Et moi, pardon Catherine, mais je suis effondré. Il y a des jours où vraiment on a envie de rendre les armes. Si certains parlent de « cruelest game », je crois surtout qu’il s’agit d’un jeu très injuste. Sa qualification en quart de finale valait une cote. Celle de Constantin Mezadourian aussi. Il a joué avec son petit rictus habituel au bord des lèvres, entre concentration, envie de tout bouffer et détachement feint. En face, Jean-Philippe Rohr est tendu. Perdre ce match-là laisserait des traces dans la tête de l’une des grandes gueules du backgammon français. Eh bien il l’a perdu. Je l’ai senti vexé lorsqu’il est parti se coucher. Catherine-Constantin, peut-être le plus improbable quart de finale de la jeune histoire du PGT. Au moins nous assurent-ils un petit bout de Marseillaise dimanche soir sur le podium. Avant d’aller dormir, il restait à connaître l’adversaire de Thierry Manouck, une nouvelle fois présent parmi les huit derniers (50% de Français pour un tiers seulement au départ, pas mal !). Ce sera l’Allemand Jürgen Orlowski. Il est deux heures et demi. C’est fini. Tant mieux. J’ai tellement halluciné que je suis mort. Au lit. Allez, à demain…

Franck STEPLER