dimanche 22 juin 2008

LA JOURNEE DES TRIPLES


Les parties triples, autrement appelées « backgammon » sont rares. Pour y parvenir, je rappelle (ou j’apprends) aux non initiés qu’il faut avoir sorti ses quinze pions sans que l’adversaire n’ait pu quitter votre camp. Autant dire qu’il faut un sacré concours de circonstance pour que cela arrive. Eh bien aujourd’hui, ça a été le festival. Première victime, dans l’ordre chronologique et dans l’ordre décroissant d’importance : Götz Hildsberg. L’Allemand, réputé pour sa chance, se souviendra longtemps de son quart de finale normand disputé contre Guil Drai. Joueur de niveau inférieur, le Français n’est pas favori. En plus, moins habitué que son adversaire à être présent lors des grands rendez-vous, il joue très tendu. Très vite, il est mené 13-3 dans un match en 15. C’est alors que la machine s’affole. Cube de Guil dès le deuxième coup. Pas à la désespérée mais presque. Et tout s’enchaîne comme dans un rêve. Les miracles contre des horreurs. Triple ! 13-9. Et on passe à la suivante. Le cube part un peu plus tard. Mais il part. Toujours dans le même sens. Et bis repetita. Il s’en faut d’un double que les six points définitifs se glissent à nouveau dans la poche de l’outsider (et cette chronique n’en aurait été que plus belle me disais-je alors que le match se déroulait sous les yeux ébahis des joueurs amassés autour du board). 13 partout quand même. On ira jusqu’au bout. Après une ultime pause, les deux joueurs reviennent. Je sens qu’Hildsberg va quand même finir par avoir sa peau. Que nenni. C’est Guil qui plie l’affaire. Chapeau bonhomme !


Une finale Natchkebia-O’Laughlin

Ce sera hélas son chant du cygne. Le Georgien Natchkebia qui a mis fin aux espoirs du leader du PartoucheGammon Tour, le Portugais Mario Sequiera (dont je vous reparlerai dans un instant dans mes histoires de triples), en quart de finale a éliminé notre poulain quelques heures plus tard pour accéder à la finale. Je dis « notre poulain » car Guil était le dernier Français en course. Les deux autres ont sauté en quart. Richard Saint-Pierre d’abord, contre l’Américain Ed O’Laughlin. Puis Olivier Croisille, le plus capé de tous, contre mon bourreau de la veille, Giorgio Castellano. L’Italien lui a fait vivre le même calvaire que celui que j’ai connu, retournant un nombre incalculable de parties perdues. C’était son week-end. Enfin un bout seulement. Lui aussi disparaîtra en demi-finale, happé par un O’Laughlin en grande forme.


La consolation est française

La consolation, elle, n’échappera pas à un Français. Le vainqueur s’appellera Jean-Philippe Rohr ou Olivier Croisille. Le premier n’avait pas gagné un seul match du week-end lorsqu’il s’est offert l’ultime place de rachat dans la consolation. Il a alors commencé à enchainer les victoires, la dernière contre Volker Sonnabend, pour se hisser jusqu’en finale. Quant à Olivier Croisille, il aura tout connu. Des balades et des souffrances. Balade contre Mario Sequeira, à qui il a notamment administré l’une des triples du jour, mais sans cube celle-là. Mario a quitté la table écœuré et Olivier a reconnu bien volontiers qu’il avait eu le coup de poignet très violent durant l’intégralité de la rencontre. En demi-finale, il aurait pu me rencontrer. Seulement voilà, la troisième triple du jour était passée par là. Elle est l’œuvre de l’Anglais d’origine indienne, Raj Jansari. Je joue contre lui un match très sérieux. Je mène 7-4. Nous jouons en 9. Plus que deux points et enfin le premier trophée de la saison. Il m’envoie un cube qu’il m’est interdit de passer. D’autant que je suis en forme. Au tour précédent, j’ai fait subir à Alain Babillon les mêmes souffrances qu’à Olivier Décultot la veille. Mais pourquoi donc la chance insolente ne vient-elle à moi que contre les copains ? Je prends donc ce cube avec une demi pointe d’hésitation mais finalement sûr de mon choix. Tout se dérègle alors. Je vous passe les détails fastidieux mais je finis avec trois pions sur le rail que je ne rentrerai que trop tard. Triple. 7-10. Rideau. C’est donc lui qui rencontrera Olivier Croisille dans un match qui est allé au bout du bout et dans lequel Olivier a fini sur une dernière histoire de triple mais un triple miracle cette fois-ci. De la barre, seul un 6-3 lui permet de rentrer et de passer le prime de cinq de Jansari. Il le réalisera trois fois de suite. Les deux premières fois, il a été attrapé à la sortie. La troisième sera la bonne. Il passe. Il gagne. Il est en finale.

Une course perdue malgré trois doubles six !

Il restait à essayer d’organiser un double consultation. Faute de combattants, nous nous lançons à quatre équipes. Une poule dans laquelle nous nous rencontrons tous et qui rendra son verdict ce dimanche. Juste une anecdote sur le premier match que nous avons disputé avec Serge Dahan contre une paire italienne : c’est la première fois de ma vie que je perds une course dans laquelle je tire trois doubles six. Sachant que notre retard initial était infime, imaginez donc ce qu’ils nous ont tiré, eux, pour s’en sortir. Dans les gradins du central, les spectateurs étaient hallucinés. Ca hurlait de partout, moi le premier. Olivier Décultot était en train de comprendre que ce jeu n’était peut-être pas fait pour lui tant il est incapable de tels enchaînements. Heureusement, le gain de cette partie venue de l’espace les laissait à un point de la victoire. Un point qu’ils ne marqueront finalement jamais… Derrière, nous avons encore croisé des extraterrestres. Uli Koch et Ed O’Laughlin ont sauvé une partie de folie à la manière d’Olivier Croisille en alignant trois fois de suite un 3-1 salvateur. Une sacrée journée je vous dis. Et encore, comme chaque jour depuis que le PGT existe, je ne vous fais partager que ce que j’ai vu ou entendu. Il s’en est forcément passé quelques autres. Et il s’en passera encore quelques unes ce dimanche. Bientôt six heures (oui, je sais, il est bien tard, mais je suis allé raser la table de poker avant de venir vous écrire au lit), il est temps d’éteindre. J’ai un last chance, un double et un blitz à aller chercher. Je dis ça à chaque fois mais ça va bien finir par être vrai. Allez, à demain…

Franck STEPLER