Je ne sais pas encore, à l’heure qu’il est, si le verre est à moitié plein ou à moitié vide. Quelques mois sans voir un dé et les voilà qui reviennent. Enfin, pour un temps seulement. J’ai commencé par croire que la routine était toujours la même. Un tirage favorable en la personne de mon camarade Frédéric Bonnard et je me dis que peut-être, pour une fois, ça va passer. On joue en 13. Il mène 10-3. Il me marche dessus. Mais sa gestion du cube devient hésitante. Je l’agresse. Je reviens. Je gagne. Enfin ! Derrière, c’est le duel des Normandie : Olivier Décultot pour la Haute et ma pomme pour la Basse. Il semblerait que ce soit ma gestion du cube à moi qui ait alors laissé à désirer. Mon adversaire et notre unique spectateur, Alain Babillon, me l’ont vertement laissé entendre. Toujours est-il que je lui ai fait la misère au camarade. Féroces les joks ! Et il faut que ça tombe sur lui… Bon, en aucun cas je n’ai honte et je ne regrette qu’enfin ça tourne un peu. Mais contre quelques autres, ça aurait eu une autre saveur. Contre l’Italien Castellano, après diner, par exemple. Mais là, on a repris les bonnes habitudes : que des cubes à moi (justifiés ceux-là je crois), quelques-uns qu’il aurait bien dû passer mais qu’il a eu bien raison de prendre. Toutes les parties sont dans ma poche, presque toutes sont gammon, et toutes sont perdues. Il mènera 13-0 avant de gagner 15-3 ! Alors, bonne journée ou pas ? J’en sais rien mes pauvres amis.
Des Français inattendus
Si je n’ai pas tenu la distance, quelques Français l’ont fait. Et pas particulièrement ceux que l’on attendait. Exit les Rohr, les Manouck, les Suzuki. En quart de finale, on retrouve Guil Drai et Richard Saint-Pierre. Eh oui, tout arrive. En chemin, ils n’auront pas chômé. Guil s’est défait des Allemands Reiner Witt et Volker Sonnabend puis de Claude Lepintre. Quant à Richard, il a enchaîné Götz Hildsberg, Minh N’Guyen et Alain Babillon. Je crois qu’après sa défaite, Alain est parti se coucher relativement déconfit. Il faut dire que, de tournoi en tournoi, la saison se fait de plus en plus rude pour quelques-uns. Pas pour Mario Sequeira. Le Portugais a perdu dès le premier tour mais un rachat bien senti lui permet de figurer une fois encore parmi les huit derniers joueurs en course. Il rencontrera le Georgien Natchkebia. Idem pour Götz Hildsberg. Après avoir chuté contre Richard Saint-Pierre, il sera peut-être la prochaine victime de Guil Drai.
Un duel d’Olivier
Un dernier Français pouvait les rejoindre en quart de finale. Le résultat du match entre les deux Olivier – le Français Croisille et l’Allemand Schneider – m’intéressait directement puisque le perdant sera mon adversairre en consolation. 7-2 pour Schneider après un début de match à sens unique. C’est alors que le cube vole à huit. Croisille attrape les points et passe devant : 10-7. En voilà une partie qu’elle fait du bien ! Dans la suivante, c’est tendu. Le cube fait le trajet France-Allemagne. Un take délicat qui fait lever quelques yeux au ciel. Et pourtant la partie se retourne. Schneider était enfermé derrière un prime de cinq mais il s’en sort et c’est même lui qui ferme la maison. Avec deux pions sur le rail, Croisille se dirige vers la perte de quatre points. Ces deux-là se rendent coup pour coup. 10-11. A 11-13 contre lui, Croisille envoie un videau tendu. Il est lui aussi tendu, la musique dans les oreilles et les yeux qui se baladent sur le board à la vitesse de la lumière. Il lui reste 2 minutes 18 à la pendule. Il ne faut plus trop trainer en route. Il shoote tout de suite pour un possible gammon synonyme de victoire. Ce sera trop juste. Deux points seulement. 13 partout. Il prend un léger avantage. Le temps presse. Il cube. Ce sera la dernière. Il ne lui reste plus qu’une minute et demie lorsqu’il boucle son prime de six. C’est fini. Il n’a plus qu’à dérouler. Il est le troisième Français en quart de finale. Et j’espère qu’il me vengera de Castellano. J’hérite de Schneider.
Le triplé de rêve
Pour Richard Saint-Pierre, ce sera O’Laughlin ou Lagopatis. 14-6 pour l’Américain avant le début d’une remontée dont on se dit qu’elle peut aller loin. Nous voilà déjà à 14-10. Puis il y a ce shoot pour éventuellement recoller et disputer un ultime point. Raté. Ce sera tendu jusqu’au bout. Il l’attrape finalement. Mais en indirect. Et une porte n’est pas fermée. Il décide de frapper quand même. Gala. Ca sent bon le gammon pour 14 partout. Mais Ed sort le miracle. Un double deux qui rentre, frappe et ferme : le triplé dont rêve tout joueur de backgammon. Mais ce n’est pas fini pour autant. Il reste des espaces et chacun s’y engouffre à tour de rôle. Lagopatis shoote en laissant deux pions vulnérables dans son board. Ed ne le rate pas. Cette fois, ça sent la fin. Plus rien de significatif. Quelques coups plus tard, c’est fini. O’Laughlin est au menu de Richard.
Huit joueurs, six nations en quart
Ca agace d’être tombé à ce stade. Nous n’étions que 38 inscrits (une faible fréquentation que nous subodorions la veille) et nombre des meilleurs ont fait défaut. Petit le tournoi, mais très sympa. J’aime bien Forges. Et je crois que je ne suis pas le seul. Après une nuit de route, la délégation italienne est finalement arrivée pour concurrencer l’équipe allemande mais il n’y a bien qu’elle qui ait débarqué en force. Elle n’aura pourtant placé que mon bourreau en quart de finale. Les Allemands n’auront d’ailleurs pas fait mieux : seul l’incontournable Götz Hildsberg possède encore une chance d’aller au bout. France trois fois, Allemagne, Italie, Portugal, Etats-Unis, Georgie : huit joueurs, six nations, c’est le programme du week-end. Et avec tout ça, combien serons-nous dans le double ? Et avec qui vais-je bien pouvoir jouer ? Alain Babillon en a marre qu’on soit noirauds. Je sens qu’il va m’abandonner. Je trouverai un remplaçant. Du moins j’espère. Mais qui donc voudra bien de moi ? Et si je faisais équipe avec un étranger pour une fois ? Trop de questions. Il est tard et j’irais bien taquiner un peu les cartes à une table de poker. Allez, à demain…
Franck STEPLER