Peut-être me suis-je trompé. Peut-être ce tournoi sera-t-il le plus calme de la saison. Nous n’étions que 23 à nous présenter au tirage au sort du warm-up. Un seul Italien, un seul Anglais, pas un Grec, pas un Danois, pas un Japonais. Peut-être arriveront-ils pour le grand départ… Les Allemands sont les seuls à avoir, pour l’instant débarqué en force. On les a entendus, en début de soirée, devant leur télé, face à leurs footballeurs qui malmenaient les Portugais et se qualifiaient pour les demi-finales de l’Euro. On les a moins entendus, on les a moins vus dans le warm-up. Les Portugais étaient moins nombreux. Comme d’habitude. Ils étaient tout juste deux. Toujours les mêmes : Mario Sequeira, leader du PartoucheGammon Tour, et sa femme Louisa. Mais même à deux face à une armée, ils ont vaincu. Pardon, elle a vaincu. Car c’est bien Louisa qui a décroché la victoire finale dans le warm-up. Je ne sais pas si Mario l’a entraînée à la dure ces dernières semaines mais les Lisboètes ont faim de victoire.
Un joueur sorti de nulle part
Avant d’en arriver là, on avait découvert un joueur sorti de nulle part. Philippe Goldberg est, avec notre Normand Olivier Décultot, le régional de l’étape. Mais lui est un régional d’adoption. Directeur commercial du groupe Serge Trigano, il œuvre au développement de l’hôtel depuis lequel je vous écris. Joueur amateur, il ignorait tout des tournois, de leur ambiance et de leur mécanique jusqu’à ce soir. Tout juste savait-il comment manier un videau. Opposé au novice au premier tour, j’ai entendu Alain Babillon lui en expliquer quelques subtilités en cours de rencontre. Il aurait mieux fait de s’abstenir ! Première victoire pour l’inconnu face à un champion toujours autant délaissé par la chance. Au tour suivant, il croquera avec aisance un Olivier Décultot littéralement retourné par la gifle subie. Puis ce sera au tour d’un Chris Ternel tout aussi halluciné que les autres de ce qui venait de lui arriver. Et voilà notre nouveau camarade qui n’attend plus que le nom de son adversaire pour disputer la finale.
La finale hyper surprise
La finale Goldberg-Sequeira au féminin valait une sacrée cote. Mais cette saison, plus rien ne m’étonne… En demi-finale, Louisa avait match perdu contre Philip Vischjager. Le champion du Monde hollandais était assez en forme depuis le début de la soirée, me battant au passage au deuxième tour. Mais il n’avait pas compris qu’il allait tomber sur un os. Un du genre très très gros nonosse qu’on ne mord pas comme ça à pleines dents. L’os en question, mené 2-0 allait commencer par aligner une impressionnante rafale de doubles pour sauver le match. La partie suivante sera la dernière. Là encore, ça sent bon pour Philip. Seuls un 5-2 ou un 5-3 de Louisa la sauveraient. 5-3 bien sûr. Très serein Philip, pendant et après le match. Louisa, elle, n’a plus qu’à dérouler pour conclure. Ce sera donc la finale hyper surprise. Je m’installe aux premières loges. Je ne veux pas en rater une miette. Je serai bientôt rejoint par les quelques-uns qui ne dorment pas encore. Ma curiosité est largement partagée.
Les doubles succèdent aux bêtises
Commence alors le festival. Un festival de bêtises, du côté de Philippe notamment (j’espère que vous suivez : il y a eu Philip le Hollandais et on est maintenant passé à Philippe le Français, ok ?). Mais comme les doubles succèdent aux bêtises, forcément, ça aide. Chris Ternel est assis en face de moi ? Quasiment à chaque mouvement de pions, nos yeux se croisent et un rictus mi-sourire mi-désespoir se dessine sur nos deux visages. Non, décidément, nous ne jouons pas exactement au même jeu. Et je suis de moins en moins sûr que notre méthode soit la meilleure… En tout cas, de miracle en miracle, les voilà à deux partout. On jouera jusqu’au bout, jusqu’à l’ultime. Louisa ouvre avec double six. Ca sent déjà bon. Mais ça se bagarre. C’est à celui qui aura le dernier coup de chance. Apparemment, c’est elle. Elle frappe. Elle ferme le board. Elle a gagné. Philippe est arrivé de nulle part et il n’aura craqué qu’à l’ultime point de l’ultime match. Défait mais heureux, de sa soirée et de sa performance. Conclusion : « c’est bien, comme ça, demain, je vais pouvoir travailler ».
Des gazons entretenus aux ciseaux
Nous, on ne travaillera pas. On profitera un peu de cette merveille d’endroit avant d’attaquer les choses sérieuses en début d’après-midi. Las Vegas, c’est une traversée du désert pour finalement passer du néant à la folie. Ici, ce sont des kilomètres de campagne à vaches pour arriver d’un seul coup dans une ville d’eau soignée, des gazons entretenus aux ciseaux, des hôtels de charme et un casino tout ce qu’il y a de plus joli à regarder. Une sacrée curiosité que cet écrin posé là. Si vous avez un jour l’opportunité de passer par Forges-les-Eaux, n’hésitez pas. C’est très curieux mais très agréable. Maintenant, si je veux en profiter un peu, il faut que je fasse dormir les yeux. Ils ont joué jusqu’à deux heures et demi. Il est bientôt quatre heures. Une heure raisonnable pour commander des rêves de victoires. Non, rassurez-vous, pour la victoire finale on verra plus tard. Je parle juste là de quelques victoires en passant, histoire de se dire qu’on sait encore à peu près jouer à ce machin-là. Peut-être. Allez, à demain…
Franck STEPLER